samedi 11 octobre 2008

Coyote

Un jour, mon grand-père a pris son fusil et, de la fenêtre de sa cuisine, a visé un coyote qui mangeait les restes de boucherie de la veille derrière la grange. D’un trait, il a touché le coyote au derrière et, paniqué, a appelé mon père pour lui demandé de venir l’achever. Papa, habitué aux bourdes de son père, laissa son dîner et partit charger sa carabine à la cave. Je l’ai suivi jusqu’à l’arrière de la grange. C’est là que je l’ai vue, la pauvre bête, paralysée en partie par sa blessure et par la peur qu’elle tentait, tant bien que mal, de cacher derrière ses crocs et des grognements étouffés. Je me rappelle cette vague qui m’a envahi, naissant au creux du ventre, et qui s’est répandue aux quatre coins de mon innocence. Je me souviens de cette révolte contre la gratuité de la mort et contre le fait que le simple caprice d’un homme sans jugeote soit si porteur de souffrance. Quand je repense à ce jour, ce qui me revient le plus à la mémoire, c’est la rage qui a obscurci mon regard, c’est la haine qui a fait son nid dans mon enfance. Ce jour-là, mon grand-père a pris ombrage dans mes souvenirs : un certain coyote grandit.