vendredi 7 novembre 2008

Début d'une nouvelle qui va nulle part

Elle était sombre comme ce lac qui avait marqué son enfance, et qui avait avalé son petit frère, un matin de printemps. Elle lui avait dit de rester au bord, de ne pas faire le fanfaron, que la glace ne tiendrait pas, mais il s’était quand même avancé vers le centre, pour être englouti à jamais sous la débâcle. Alors son cœur à elle se recouvrit d’une couche inviolable de givre. Cette rupture la sépara du continent des hommes, elle s’en alla avec la dérive d’un glacier inaccessible. Tous ceux qui tentaient de l’approcher furent gelés eux-mêmes, elle les gardait un temps prisonniers de ses neiges éternelles, puis chacun d’eux s’en retournaient, le cœur brisé et vide, la laissant s’échouer sur des continents d’hiver sans fin.
Il y avait eu Philippe, follement épris de sa grande chevelure noire, et qui la courtisait de ses manières adolescentes et maladroites. D’abord indifférente, elle avait fini par céder à ses avances, acceptant de lui une présence réduite à un minimum de contact entre eux. Elle se mit à le mépriser franchement, sans raison, puis le laissa, sans raison, au bout de huit mois, pour se réfugier dans ses derniers retranchements intimes et désespérés.
Ensuite vint le grand Jérôme, qui finit par se décourager de tant de froideur et qui la laissa refroidir seule ce banc de parc un samedi soir de juillet. Finalement il y eut Louis, après qui elle s’épuisa de courir, avant de le trouver dans les bras de la chaude Sophie, avec laquelle il se maria quelques mois plus tard. Elle était seule sous les grands vents d’automne, qui emportaient une après l’autre les feuilles de son arbre. Un jour, lors d’une soirée bien arrosée d’alcool, elle engouffra quelques boîtes de pilules aux noms excentriques, et s’affala sur le plancher de sa salle de bain.
Et c’est là qu’un certain soleil vint planer sur son ère glaciaire. On la trouva, l’emmena à l’hôpital, où elle dut vomir ses tripes pendant plusieurs jours, et revenir à elle peu à peu sous le regard désemparé de sa famille. La fenêtre de sa chambre donnait sur le fleuve, où des glaces hésitaient encore à disparaître sous le soleil d’avril. Elle comprit qu’un long cauchemar allait peut-être prendre fin pour elle. Mais jamais elle ne reverrait le visage de son petit frère, surgissant, héroïque, des eaux libérées.

2 commentaires:

Jérôme-Olivier Allard a dit…

Je ne suis pas d'accord. Elle va quelque part, cette nouvelle. Je ne doute pas qu'avec un peu de travail tu réussiras à en faire un texte plus long franchement intéressant.

Vianney a dit…

Je vais écouter ton conseil, et pousser plus loin...
Merci!